Elle s'enrichit par la gloire des hommes, la folie des combats, la liberté de l'Ecosse et la légende des dynasties.
Parfois, les pas sont hésitants, quand l'héritage est si lourd, que les ancêtres ont écrit des km de nostalgie.
C’est le cas pour cette California, toute nouvelle, superbe, et dont l’héritage est si grand, si lourd ...
De 850 à 1100, le célèbre custom transalpin résonne dans le coeur des amateurs d'italiennes ... et au-delà. La passion n'est pas loin, fébrile quand la clé se love dans le contacteur.
Clic. Le passé dort dans les gamelles, tiré de sa torpeur par des injecteurs modernes.
L'épaisseur de l'huile retient les pistons dans la suffocation du démarrage, les culasses s'ébranlent sous les secousses de l'allumage ...
le 1400 tousse, éructe, accomplit l'effort de prendre vie en se démembrant les cylindres puis les spasmes envahissent la majesté Calif.
La toux s’estompe, le pouls s'accélère, la pression monte, les flammes envahissent l'essence et la vie s'éveille au sein de ma cavalière du jour.
Je viens de démarrer, dans 5 secondes d'émotions atypiques, le gros twin de la Moto-Guzzi 1400 California Touring.
La virée s'annonce palpitante, à mi-chemin entre la route, la découverte et les amarettos.
Nous ne partons pas tout de suite. Il était important pour moi, de vous faire pénétrer dans l'esprit de cet univers à la fois particulier et gustatif.
Et quoi de mieux qu'un moteur qui s'ébroue pour nous mettre dans le bain ... d'huile.
Surtout, SURTOUT, on ne part en vadrouille avec cette 1400 California ; on est invité à une croisière d'asphalte de d'élégance.
Hors de question d'annoncer ces prétentions sans un minimum, voire plus, de courtoisie avec cette plantureuse machine.
Ne cherchons pas à concilier les gouts et soyons simple : la Calif est une belle moto. Le coup de crayon est à la fois puissant, majestueux et délicat.
Belle stature, twin débordant, touche de crème sur ce gâteau noir, et chromes rutilants !
Tomber sous le charme n'est qu'une question de minutes.
La main s'approche naturellement du guidon, se détourne pour effleurer les cylindres, ne s'attarde presque pas sur la selle pour finalement caresser les hanches protégées par des jarretelles de métal.
On ne peut qu'apprécier le fessier de cette Guzzi : rempli fermement mais sans excès, d'une rondeur fuyante, posé sur une largeur confortable mais ajustée.
D'un bout à l'autre des valises, la distance est la même que celle du guidon. Si les embouts passent, tout passe !
Pas de bol pour les voyages, car la délicatesse du style impose le sacrifice du volume. Impossible de caser un intégral, et ranger un casque jet figure du domaine de la contorsion.
On le rentre de traviole, on pivote, ça passe juste et c'est pas pratique.
Mais suffisant pour emmener les affaires de plage, une tenue de rechange pour la soirée chez l'ambassadeur et la robe sculpturale de madame.
Ces effets n'ont rien à craindre de la météo : un joint d'étanchéité est planqué sous le capot de la valise.
Puisqu'il faudra râler à un moment ou à un autre, autant le faire tout de suite. D'un modèle haut de gamme flirtant avec la limite haute de la séduction, on est en droit de pinailler sur certains détails.
Le bouchon de réservoir dépourvu de charnière, ça fait vintage, mais on grimace un poil.
L'interrupteur des phares longue portée fixé sur la colonne de direction, ça fait cheap et rajouté à la va-vite.
Et puis, c'est perso, mais ce beau réservoir aux flancs crevés par les culasses, c'est une belle démonstration de style, mais il mérite mieux que du plastique comme matériau.
De l'alu, Mr Guzzi, siouplait ! Je finirais ce tour du propriétaire par le démarrage que nous avons vécu il y a peu.
C'est pas génial de devoir désactiver le coupe-circuit à chaque fois qu'on veut démarrer (sauf si l'arrêt est court - le système met 30 sec à s'activer après arrêt de la machine).
Contact. On insiste un peu sur le démarreur jusqu'à un grondement placide et feutré qui en dit long.
On prend plaisir à attendre et entendre le gros bicylindre transversal expectorer avant de prendre vie. Vibrant de tout son être, le plus célèbre des cruisers italiens m'attend.
On descend son fessier jusqu'à la selle, saisit le guidon pour redresser la machine sur son point d'équilibre dans un léger effort puis on prend quelques instants pour savourer le couple latent de la Guzzi :
un cou de gaz dans le vide et le moteur vous envoie une sensible poussée latéral.
Le balancement typique de Mandello est toujours là, peut-être un peu trop contenu.
Allons discuter avec ce 1400 et sa muse. Un coup de botte poursuivi par un Klong viril, un lâcher d'embrayage en délicatesse et la Calif décolle toute seule.
La marque communiquait que son moulin était monté dans le cadre de telle façon que les vibrations s'estompaient presque totalement une fois la moto lancée sur la route ... et c'est vrai.
Au bout de quelques mètres et les tours/minutes qui vont avec, les martèlements font profil bas pour laisser la place au muscle gras et fruité du bicylindre.
On loue d'emblée l'accueil de la selle, confortable à souhait, conjuguée à l'amortissement souple sans être laxiste.
La Calif annonce tout de suite sa prédisposition à rouler loin avec délectation.
Je profite de l'horizon dégagé pour contempler le gros hublot de contrôle qui sied entre le pare-brise et le té de fourche.
Imposant et fignolé, le bloc d'instrumentation offre une lisibilité presque parfaite, très supérieure à ce que l'on pourrait imaginer.
La lisibilité est impeccable, le défilement des infos via le commodo s'avère aussi pratique que judicieux, et le cerclage chromé est du plus bel effet.
Dommage que le voyant du régulateur de vitesse soit de la même couleur que celui des clignos. On peut confondre les deux.
Sauf quand il est actif - la diode est alors fixe pendant que la moto cruise toute seule, offrant une décontraction délectable.
Pour autant, le maniement du régulateur n'est pas aussi réactif que voulu ; "ça" ne répond pas assez vite pour se caler sur la vitesse voulue.
Et si le maniement des infos via commodo est un petit plaisir simple et totalement indispensable, la gâchette est trop proche de la commande des clignos.
Du coup, il peut arriver qu'on active l'un en voulant l'autre. Question d'habitude, sans doute ...
Cette route, cette ligne droite est longue, longue ... et je m'en fous. On est bien sur cette Guzzi, porté par le confort et le souffle du twin.
Le pare-brise ne déforme pas la vision et protège bien jusqu'à une certaine vitesse. Car l'air est dévié jusqu'au dessus des sourcils.
Au dessus des 110 km/h, la bise vous chatouille gentiment le front (façon de parler, le casque est quand même là

Certaines clientes n'en demanderont pas autant ...
Des suspensions souples et bien calibrées n'ont aucun mal à vous convaincre de leur bienséance.
Les panards sont à l'aise sur les longs marche-pieds, qui de surcroit vous épargne des quelques vibrations usuelles.
La quiétude est là, l'envie de cruising aussi - Y a rien à redire, la California se plait à vous emmener en balade dans la plus italienne des béatitudes.
Si la Guzzi peut donner des leçons à bien des cruisers américains, son potentiel dynamique peut aussi les faire passer pour des brouettes bancales ...
et même se gonfler d'orgueil face à des machines plus sportives.
Entre deux montagnes et trois vallées, l'envie de jouer sera suivie de manière surprenante par notre hôtesse du jour.
Je ne vous parlerai de la vitesse maxi, qu'un confère allemand a délicatement poussé au delà des 180 km/h, mais des pas de ballerines avec lesquelles la 1400 California évolue.
A son guidon, on dirait presque qu'elle virevolte entre les virages. Etonnant ! Comment un mastodonte pareil peut il se révéler aussi évident et aussi facile à emmener ?
L'effort au guidon est minime pour l'engager, la trajectoire se dessine presque toute seule et le châssis est d'une neutralité sereine à souhait.
Bien sûr, les 340 kilos ne s'évanouissent pas, et retiennent quelque peu le dynamisme. La Calif vous accompagne dans le virage mais ne plonge pas dedans.
Viennent toute une série de zig qui va me permettre d'apprécier les zag. Je soulage la poignée d'accélérateur, ce qui me permet de changer de cartographie en appuyant sur le démarreur.
Un court intermède en mode "Pioggia" me rassure quand à la dévotion du moteur si la flotte venait s'inviter au parcours.
La puissance ne retombe pas vraiment ; elle est simplement distribuée avec plus de latence, plus de précaution, tels des chevaux retenant le sabot sur le bord de la rivière.
En mode "Turismo", qui sera certainement le plus utilisé, le twin transversal dévoile son plus beau visage, où la force tranquille semble toujours encline à soulever le fauteuil sans paresse ni empressement.
On va maintenant se distraire un peu et la martyriser.
Non pas qu'on en ait envie, mais tout son arsenal technologique lui apporte t'il tant ?
Qui peut le plus peut le moins.
Mode 'Veloce" enclenché, sourcils plissés, main droite nerveuse et dents affutés, j'emmène la Calif en dehors Santa Monica pour se dérouiller les poumons dans Watts.
Elle grogne !
Une fois le mode le plus sportif enclenché, Miss Guzzi ne change pas radicalement de visage mais se dévoile plus revêche.
Les bielles partent plus volontiers à l'assaut, l'huile semble moins épaisse, la volonté de tracter plus affirmée.
En prenant en compte le gabarit de la Calif, on peut s'autoriser une réelle dose de facéties sans jamais recevoir de coup en traitre.
On balance, on ouvre, elle fredonne, vous suivez, elle acquiesce sans broncher.
La transmission est une totale réussite : le cardan se fait totalement oublier, à l'accélération, au freinage, en reprises ... imperturbable et transparent.
La Calif ne sourcille même pas lors de décélérations musclées. L'arrière semble digérer le couple résiduel sans vouloir passer devant.
Les seules fois où ce gros custom-GT a gigoté, c'est sur une succession de petites bosses mettant à mal les suspensions.
Négligeable car hors utilisation prescrite : vous iriez faire le Moto Tour avec une California ?