1) Le gabarit des machines:
Si on regarde les deux motos on a l'impression que la BMW est beaucoup plus volumineuse que la Guzzi; c'est à mon avis dû d'une part à l'intégration des rétroviseurs dans le carénage sur la BMW et d'autre part à la hauteur importante de l'avant de la béhème (réservoir très haut perché, pare-brise beaucoup plus grand et haut). Cette hauteur importante de l'avant n'est pas sans incidence sur la position du centre de gravité (plushaut sans doute pour la béhème), ce qui fait qu'on n'a pas du tout la même impression de lourdeur avec l'une ou l'autre des deux machines. La BMW est beaucoup plus lourde à l'arrêt et elle impose une plus grande prudence. avec la Guzzi on a l'impression d'être dans une catégorie en dessous.
2) Le poids des machines:
L'impression ressentie n'est pas vérifiée sur la balance: je me réfère aux chiffres des pesées des essais dans les revues car BMW triche de quasiment 50 kgs entre le poids à sec annoncé (229 kg) et la réalité (entre 275 et 280 kg pour une RT avec le plein, ses valises vides et quelques options). valises pleines + top case chargé la BMW dépasse largement les 300 kgs.
La Guzzi est donnée pour 246 kg à sec , pour n'importe lequel de ses 4 niveaux d'équipement (ce qui est impossible puisque la GTL doit bien faire 15 à 20 kg de plus que la TL) et les revues l'ont pesée vers 265 kg (en version GT). Il y a donc à peine 15 à 20 kg d'écart entre les deux motos alors que le ressenti ferait dire au moins 50 kg.
3) La hauteur de selle:
La béhème est haute , nettement plus en 1200 qu'elle ne l'était en 1150. j'avais été obligé de faire rabaisser la selle standard de 3 cms et c'était encore un peu juste pour être totalement à l'aise avec mon 1m71 lorsqu'elle était chargée en duo. En tout cas j'étais loin de poser les deux pieds à plat au sol.
Sur la Norge (avec la suspension arrière d'origine) j'ai les deux pieds totalement à plat en solo et les jambes trop pliées en duo chargé car le ressort d'origine est trop souple (j'y reviendrait un peu plus tard). Les arrêts sur des routes bombées au revêtement incertain en sont grandement facilités.
4) La position de conduite:
Plus droite sur la béhème avec les jambes très peu pliées; un peu plus sur l'avant pour la Guzzi avec les jambes nettement plus pliées. Je trouve la position de la Guzzi très proche de celle d'un roadster BMW R1150R. Globalement je suis très bien sur les deux avec mon 1m71 mais je pense que la Guzzi convient mal aux très grands (1m85 ou plus) qui auront en outre les genoux sur les couvre-culasses (chaud l'été!). La béhème quant à elle est très bien pour les grands et pose pb en dessous de 1m70. Sur des très longs trajets la position de la béhème est peut être un peu plus reposante (pour ceux qui tolèrent un buste très droit).
5) Le confort de selle:
La Guzzi a une selle d'origine excellente, ce qui est loin d'être le cas de la béhème; par contre avec ma selle refaite par Bagster j'étais très bien sur la RT. Pour la passagère, sans le moindre doute, la Guzzi est mieux: le petit bossage sur la selle lui évite de glisser et elle est plus en hauteur avec une meilleure vue à la clé.
6) La protection globale:
Si on regarde les deux machines de l'avant on se dit qu'il doit y avoir un gouffre au niveau protection entre les deux machines; et bien, pas du tout en fait car la Guzzi protège étonnamment bien de l'air froid en tout cas (pour la pluie je n'ai pas encore correctement testé). Malgré son très petit pare-brise (électrique sur la mienne) la tête est parfaitement protégée sans aucun bruit ou remou génant (avec le pare-brise au plus haut) pour ma taille. Je doute par contre qu'un pilote de 1m90 soit correctement protégé sur la Norge alors qu'il y a encore de la marge sur la RT pour relever le pare-brise. Néanmoins il existe des bulles hautes adaptables pour les deux machines (assez rares pour la Norge) qui doivent permettre de s'adapter aux grands.
Le buste est aussi à l'abri sur la Norge ; par contre les bras et les mains sont moins abrités que sur la RT. Cependant en roulant par des températures proches de zéro et en mettant les poignées chauffantes (très efficaces) au 1er ou au 2ième cran (sur 3 possibles), je n'ai jamais eu froid aux mains sur la Norge.
La protection des jambes est totale sur la RT et très bonne sur la Guzzi pour les genoux (à l'abri derrière les cylindres) mais une petit faiblesse subsiste au niveau des tibias. Les pieds sont assez bien à l'abri sur les deux machines (mais beaucoup moins bien que sur l'ancienne RT de BMW, la 1150).
Ma version GTL a des protections latérales pour éviter les éclaboussures dues à la roue AR. elles sont très efficaces mais gènent le réglage de la précontrainte de l'amortisseur AR. La RT est parfaite sur le plan des projections à l'AR mais on ne peut que raler contre le fait que la bavette soit optionnelle.
7) Les rétroviseurs:
Nuls sur la BMW (on voit ses épaules) et beaucoup mieux sur la Guzzi (on y voit très bien en arrière); par contre ils sont de piètre qualité et certains se plaignent de leurs vibrations (pas du tout le cas sur la mienne). Ils seront avantageusement remplacés pour 38 euros seulement les deux par ceux de la Guzzi 1200 Sport qui sont plus esthétiques (noirs au lieu de chromés) et qui donnent entière satisfaction.

A mon avis très bon pour les deux machines; les petits phares ellipsoïdaux de la Guzzi sont étonnamment efficaces. Pour le réglage de la hauteur, la BMW est mauvaise et la Guzzi en dessous de tout: il faut démonter le dessus du carénage et le tableau de bord pour accéder aux 4 vis de réglage de la hauteur. Cependant un bricolage avec des durites en caoutchouc permet le réglage sans démontage.
9) Le contrôle du niveau d'huile:
Correct sur la béhème grâce à son hublot (mais il faut une lampe de poche) et immonde sur la Guzzi qui nécessite la dépose d'un élément de carénage. Un kit à 70 euros permet d'y remédier et les derniers modèles ont reçu une modif qui améliore grandement les choses mais sans rendre pour autant la manip très pratique.
10) Les valises:
Plus grandes sur la Guzzi (+ 10 litres chacune) ; les revues trouvent le système de verrouillage sur la moto peu pratique alors que je le trouve excellent et bien meilleur que sur la béhème (essayez de fixer une valise sur la RT par nuit noire!). Le top-case d'origine Guzzi livré avec la version GTL est moins logeable qu'un Givi Maxia (44 litres contre 52 et le fond n'est pas plat); il semble assez fragile mais il fait par contre un excellent dosseret pour la SDS et une superbe protection contre les projections par la roue arrière. de plus il est très esthétique.
11) Les commodos:
Des plus et des moins sur chaque machine:
-l'inverseur code-phare de la guzzi est génial (sur la face avant du commodo) alors que celui des BMW est très peu pratique, limite dangereux (on ne le trouve pas avec des gros gants la nuit). Par contre je préfère et de loin, le système de clignotants BMw à celui classiquement japonais de la Guzzi. Affaire de goût, ce point faisant largement discussion entre motards... Les deux machines ont des leviers réglables par molette à crans et un embrayage à commande hydraulique, très doux dans les deux cas (un peu plus doux sur la béhème).
12) Le tableau de bord:
Celui de la Guzzi est très beau (un véritable arbre de Noël lorsqu'on met le contact la nuit), particulièrement de nuit avec sa teinte orange. Les afficheurs LCD sont quasi invisibles au soleil, celui de la béhème étant en plus trop brillant.
Allez on roule enfin:
13) Les suspensions et la tenue de route:
Beaucoup de choses à dire sur ce chapitre sur les deux machines d'ailleurs.
Ma RT était équipée de l'option ESA( suspension à réglage électronique): c'est assurément très pratique si on alterne fréquemment solo et duo et/ou si on roule cool ou au contraire grosse arsouille. Il y manque cependant une position duo + bagages qui conviendrait mieux aux équipages très lourds. Une remarque: l'ESa ne semble pas exempt de pannes d'après ce qu'on lit sur les forums et les amortisseurs tiennent 25000 kms avant d'être des pompes à vélo. J'ai eu droit à la panne d'électronique et au remplacement vers 29000 kms. Ceci dit avec l'ESA , la RT est un "tapis volant" d'un confort royal et d'une tenue de route fabuleuse. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de rouler avec la même 1200RT sans ESA et le comportement ainsi que le confort sont un ton en dessous.
Du côté de la Norge, tout d'abord le point noir souligné par les revues et les propriétaires: la suspension arrière a un ressort beaucoup trop souple et est insuffisamment amortie en hydraulique. Bilan: si on roule cool en solo, ça va mais si on roule vite et/ou à deux la moto pompe trop sur sa suspension arrière et frotte sa béquille centrale et son pot dans les virages (à gauche surtout). Pour la béquille c'est la faute à sa butée en caoutchouc longue de 3 cms qu'il suffit de couper avec un Opinel (et on n'en laisse que 5 mm) mais pourquoi Guzzi ne le fait-il pas d'origine?
pour la suspension AR il faut la modifier pour obtenir un bon résultat. guzzi s'en est d'ailleurs enfin rendu compte et va livrer prochainement les Norge avec une suspension AR plus dure. Pour toutes les autres, soit on change la suspension complète (750 euros chez EMC, 1100 euros chez Ohlins) ou bien on trouve une solution moins onéreuse. C'est ce que j'ai fait sur la mienne: remplacement du ressort d'origine de 460 lbs/inch par un ressort EMC de 700 lbs/inch et réfection de l'amortisseur Sachs d'origine avec des composants Ohlins chez Suspensions-Sport en Alsace, le tout pour à peine 260 euros. Le résultat est sans commune mesure: le confort est préservé (amélioré même) et la moto ne pompe plus du tout sur ses suspensions, ce qui lui permet d'avoir une tenue de route quasiment aussi sûre que celle de la BMW. Il est possible que des forts pilotes préfèrent la rigueur du chassis BMW lors de grosses arsouilles mais, pour un conducteur lambda aimant cependant rouler parfois un peu fort, le chassis de la Guzzi est sans faille. Pour le confort global, après le tatonnement logique pour trouver les bons réglages y compris pour la fourche avant (réglable uniquement en précontrainte), je trouve qu'il est vraiment bien quoique un léger poil en dessous de la RT (intermédiaire entre une 1200RT et une R1150R). De toutes façons la RT la plus confortable c'était la 1100 ou la 1150 et pas la 1200.
J'ai lu que la norge était une machine "vive à ne pas mettre entre toutes les mains"! J'avoue ne pas comprendre car je la trouve au contraire très facile de prise en mains. Dès le début j'ai été très à l'aise et j'ai roulé comme avec mon ex RT. Elle est par contre très maniable et peu fatigante dans les petites routes en épingle de montagne, plus facile nettement que la 1200RT qui est pourtant une belle référence sur ce plan.
14) La boite, le cardan et l'embrayage :
Quand on a connu les machines d'il y a 30 ou 40 ans, les deux sont du velours avec un plus du côté Guzzi dont le cardan et la boite se font totalement oublier (même si la boite Guzzi claque assez fortement).
L'embrayage à sec des deux modèles n'est pas ce qui se fait de plus doux mais la progressivité est correcte; la douceur est du côté de la Guzzi et pour la commande du côté de la béhème. Une remarque: l'embrayage de la béhème émet une horrible odeur de brulé à chaque démarrage en côte mais il semble ne pas vieillir prématurément.
15) Et le meilleur pour la fin: le moteur:
C'est le très gros point fort de la 1200 Guzzi: son moteur a un gros caractère avec des (très, très) "good vibrations" , un magnifique couple dès les bas régimes et une poussée en haut qui est franchement étonnante. Il fait plus de 10 ch de moins que le moteur BMW et semble pourtant être le plus performant. Sur la Norge d'essai( pas la mienne) je me suis surpris à attaquer la zone rouge (8000 trs) et le moteur ne demandait encore qu'à grimper!
Le 1200 Guzzi vibre plus au ralenti (certains pourront trouver que c'est trop, moi pas) et il ne cogne plus du tout au dessus de 2500 trs/mn. sur ce plan le moulin BMW est très bien aussi. En roulant les vibrations des deux moteurs ne sont jamais génantes mais je suis mauvais juge car j'aime les bicylindres. Ma SDS qui n'avait jamais fait de moto avant la RT et la Guzzi trouve leur confort excellent avec une préférence légère pour la Guzzi.
Le bruit du pot: il faudrait éviter d'en parler pour que la béhème n'ait pas les larmes aux yeux. La RT fait un joli bruit étouffé de 2 ch Citroën améliorée là où la Guz a un bruit merveilleux mais pas génant sur des longs parcours car son niveau n'est pas très élevé.
Si on attache beaucoup d'importance à l'agrément moteur, assurément la Guzzi ne peut que séduire.
J'ai réellement beaucoup aimé ma RT et les premiers 2000 kms en 1200 Norge n'occassionnent aucun regret! Je risque de m'attacher fortement à la Guz et à ses quelques défauts.
Pour ceux qui en douteraient la Norge joue vraiment comme la RT dans la même catégorie des motos GT et son confort permet d'envisager les mêmes voyages lointains.
Voilà pour ce CR forcément entaché de passion et donc de subjectivité mais j'ai essayé, point par point, de tracer les qualités et les petits défauts de ces deux très bonnes machines.
j'attends vos commentaires.
Franck