phil a écrit :Bon ben comme tout le monde porte un blouson de cuir , j'aimerai bien savoir comment vous l'entretenez : graisse pour cuir ou cire ou crème ( pas du cirage à chaussure ! ); fréquence d'entretien : apres une pluie , tous les mois ,etc ...
Ce serait facile de répondre : « Moi, j’emploie du Cuirnet ou du Leatherclean pour l’entretien de mon cuir. » Mais c’est au-dessus de mes forces. Comme il pleut des cordes, je vais vous raconter une petite histoire ; j’adore raconter des petites histoires. Passez outre si cela ne vous intéresse pas.
À l’époque où j’ai acheté ma 850 T3 California, c’était en 1981, je portais du Ranvier, marque française de grande qualité. Mais pour ma nouvelle moto, je voulais un nouvel ensemble et je me suis posé la question : « Qui porte le meilleur équipement moto ? » La réponse était « les professionnels de la moto », c’est-à-dire les policiers et les gendarmes à moto. La première fois que j’ai vu un couple de gendarmes sur une aire de stationnement, je me suis arrêté et leur ai demandé d’où leur venait leur équipement. Ils m’ont gentiment envoyé bouler. Après une dizaine d’essais sans succès, je suis rentré dans le commissariat central de la police de la ville de Bruxelles et j’ai demandé à parler au responsable de la logistique. Cela a pris une bonne demi-heure, des regards en coin et une suspicion palpable avant que la personne ne se pointe. En lui expliquant la raison de ma venue, je lui ai simplement demandé s’il pouvait me donner l’adresse du fournisseur des uniformes en cuir de la police. Il m’a emmené dans son bureau ; a fourragé dans ses tiroirs et m’a écrit un nom et une adresse située à Anvers.
Je suis donc allé à Anvers et me suis fait confectionner un ensemble cuir sur mesure, d’un cuir épais, grainé, identique à celui que portaient les gendarmes à moto, mais sans les signes distinctifs : veste trois-quarts, plis d’aisance aux épaules, deux fentes à l’arrière, pattes de serrage aux poignets et d’épaulettes, poches appliquées, col haut à revers et ceinture réfléchissante 3M. Là dessous des pantalons bouffants de type équitation qui entrent dans les bottes, avec un liseré blanc sur les coutures latérales. Il ne me restait plus qu’à trouver des bottes de cavalerie. Cela n’a pas été facile, mais à force de questionner et de téléphoner, je les ai trouvées en France, identiques à celles que portaient auparavant les motards de la gendarmerie sur leur BMW R60. Je les porte encore ! Elles ont été ressemelées une seule fois et paraissent comme neuves. En revanche, pour le mettre et les enlever, il faut impérativement des crochets pour les tirer et des tire-bottes pour les enlever. Galère, galère !
Aujourd’hui, il suffit de taper « uniforme moto police » sur Google pour trouver tout ce que l’on veut, n’importe où, mais à l’époque il fallait se débrouiller comme on pouvait.
Pour finir, il me fallait un bon produit d’entretien pour le cuir et je me suis posé la question : « Qui entretient les cuirs ? » Réponse : dans les haras. Je suis rentré dans le seul magasin d’articles de cavalerie à Bruxelles, sur l’Avenue Louise, le quartier chic et huppé de la ville et j’ai demandé au monsieur qui ressemblait à un Lord anglais s’il avait un produit d’entretien pour le cuir, s’il voulait bien me conseiller. Menton levé et bouche en cul-de-poule il m’a demandé : « Et ce serait pour quel usage ? Pour une selle ? Quelle est l’origine du cuir ? Américaine, anglaise ? Est-elle foncée, claire ? » Quitte à commettre un sacrilège, je me suis permis de l’interrompre et lui ai dit : « Non, c’est pour entretenir le cuir de mon ensemble moto. » Il a relevé les sourcils ; m’a toisé de la tête au pied d’un air de réprobation, mais mon habillement a dû lui plaire car il m’a dit, en prenant une énorme boîte d’un kilo dans un rayon : « Voici ce qu’il vous faut. Vous ne trouverez pas meilleur. Tous nos cavaliers achètent ce produit. C’est de la graisse de phoque mélangé avec de la vaseline. C’est
je-ne-sais-plus-combien de francs. Bien enduire, n’est-ce pas et laisser sécher. » « Merci Monsieur. » Il n’y avait rien à ajouter ; il n’y avait pas de discussion possible. J’ai vidé ma tirelire que j’avais emmenée au cas où, au cas que et je suis parti avec mon pot plein sous le bras et la tirelire vide. Un petit diable me susurrait dans l’oreille : « Vous êtes Avenue Louise, Monsieur ! »
C’était il y a 37 ans ! J'ai gardé mon ensemble cuir et les bottes dans un endroit sec; pendant quelques années ils sont restés inemployés. Je les ai sortis il y a quelques mois, persuadé qu’ils allaient montrer des taches de moisissure. Nenni ! Ils sont comme neufs, sans une seule tache, souples. J’en ai été le premier étonné. Il n'y a qu'un problème, un gros problème: je ne rentre plus dans le pantalon et la veste me serre aux entournures ! Qui disait que le régime crétois était le meilleur au monde?
Je peux donc parler d’expérience en prétendant que peu de produits doivent valoir la graisse de phoque. Elle pue, non, elle schlingue, et il faut attendre une heure ou deux qu’elle sèche, mais elle entretient le cuir de façon étonnante. Je ne me souviens plus de la fréquence d'entretien, mais cela devait être tous les 3 à 4 mois. Ils n'ont jamais été détrempés, car j'avais toujours des survêtements imperméables dans les sacoches et les petites pluies occasionnelles perlaient, n'imprégnaient pas. Se vend-elle encore ? Je ne le sais pas ; j’en ai encore une tonne. S’il vous reste du cuir à entretenir, courez vite chez « Equita 2000 » (nom fictif !) ; il en reste peut-être encore une boîte. Dans le cas contraire, passez vos prochaines vacances chez les Esquimaux… en motoneige.
Je suis persuadé que le produit Barane ou kifkif fait tout aussi bon office, mais il y a une différence. Quand je dis « J’ai traité mon cuir avec du Barane ». Bof ! Oui et alors ? Mais si je dis « J’ai traité mon cuir avec de la graisse de phoque », là, je parle à votre imagination. Vous vous voyez déjà sur la banquise, un harpon à la main, chassant le phoque en vous gelant les bonbons. Pas le bébé-phoque, car vous auriez Brigitte Bardot sur le dos (il y a 40 ans cela aurait pu être agréable). Vous auriez récupéré la graisse, vous l'auriez fait bouillir (beurk !) et vous auriez mangé la viande séchée (re-beurk !). Tout compte fait, un conseil, allez en vacances à Saint-Tropez et achetez-y du Barane.